L’indemnisation d’un accident médical non fautif, ou aléa thérapeutique, est un sujet complexe qui soulève de nombreuses questions juridiques.
Une récente décision du tribunal judiciaire de Bobigny apporte un éclairage nouveau sur cette problématique. Le tribunal s’est penché sur le cas de Madame X Z, victime d’une tétraplégie à la suite d’une intervention chirurgicale visant à retirer une tumeur intramédullaire (épendymome) entre les vertèbres cervicales C3 et C7. Cet événement a été qualifié d’aléa thérapeutique. Cela souligne l’absence de faute médicale, mais entraîne tout de même des conséquences dramatiques pour la patiente.
Les faits
En 2015, Madame X Z subissait une intervention chirurgicale réalisée à l’Hôpital Européen de Paris, pour retirer une tumeur au niveau de la moelle épinière. Malgré une opération réalisée selon les règles de l’art, la patiente s’est retrouvée victime de complications post-opératoires graves, notamment une tétraplégie. Le risque de cette complication, évalué à 25%, a été reconnu comme un aléa thérapeutique par une expertise menée en 2020.
Après une longue période de rééducation, Madame X Z a saisi l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) pour obtenir réparation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale, conformément à l’article L.1142-1 du Code de la santé publique.
L’indemnisation proposée par l’ONIAM
L’ONIAM a formulé deux offres d’indemnisation : une première partielle de 228.025,40 euros, suivie d’une offre définitive de 284.935,21 euros. Madame XZ a refusé ces offres. Avec l’assistance de son conseil, Maître Casilda LAETHEM, elle a décidé d’engager un recours pour obtenir une indemnisation plus juste. En effet, elle estimait que le montant proposé ne reflétait pas l’étendue de ses préjudices.
Parmi les points de divergence principaux, nous avions sollicité la reconnaissance d’un besoin en aide humaine pendant les périodes d’hospitalisation. En effet, lorsqu’une personne avec un tel handicap est prise en charge à temps plein à l’hôpital, tous les actes de la vie quotidienne ne sont pas réalisés par le personnel médical. Pour plusieurs tâche, le patient a besoin d’une assistance extérieure :
- Gestion du domicile : entretien de la maison et du jardin, gestion et nettoyage du lingue
- Soins personnels : faire les courses pour les articles d’hygiène ou de commodité du quotidien, aide à la toilette allant au-delà des services de base fournis par l’hôpital
- Soin aux animaux domestiques : nourrir, promener, prendre soin des animaux de compagnie
- Activités sociales et administratives : maintien des relations sociales, gestions des affaires administratives personnelles comme le paiement des factures, la gestion des comptes bancaire, la prise de rendez-vous
- Communication : gestion des appels téléphoniques, ouverture et traitement du courrier
- Préparation du retour à domicile : aménagement de l’espace de vie pour répondre aux besoins post-hospitalisation, par exemple l’installation de barres d’appui, ou la réorganisation des meubles
Or, pendant de trop longues années, la victime ne pouvait pas obtenir l’indemnisation de ces heures d’aide extérieure pendant ses hospitalisation. En effet, l’hospitalisation était considérée comme couvrant les besoins vitaux, rendant l’indemnisation de l’assistance supplémentaire inutile. Grâce à plusieurs décisions de justice récentes à au travail acharné des avocats en dommage corporel, la jurisprudence a enfin évolué. Le 10 novembre 2021, puis le 8 février 2023, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d’appel refusant cette indemnisation.
Son argument : « le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne ».
Encore plus récemment, le 4 septembre 2024, la Cour de cassation a considérée qu’il n’est plus possible de suspendre la rente allouée au titre de l’assistance par une tierce personne en cas d’hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé.
Cela est fondamental ! La perte d’autonomie qui nécessite une aide extérieure est enfin reconnue et indemnisée, même en milieu hospitalier.
Dans ce dossier, l’ONIAM a pourtant persisté à s’opposer à nos demandes au titre de ce préjudice, ce que le tribunal a sanctionné. Le juge a pris en compte le besoin de Madame XZ et lui a accordé une indemnisation complémentaire pour 3h d’aide humaine par semaine en période d’hospitalisation. Cette décision va dans le sens de la jurisprudence qui s’établit enfin en la matière. Cela va aussi dans le sens du principe de réparation intégrale du préjudice !
En outre, l’ONIAM a refusé de prendre en charge le renouvellement du fauteuil roulant de Madame X Z, un équipement pourtant indispensable à son autonomie. Il a justifié son refus en invoquant que la facture initiale du fauteuil était trop ancienne. Cela signifie-t-il qu’une victime tétraplégique qui ne dispose pas de facture de fauteuil suffisamment récente doit subir la vétusté de son engin toute sa vie ? il n’est pas d’argument plus absurde ! Le tribunal a évidemment jugé cela inacceptable. Il a accordé une indemnisation au titre des dépenses de santé futures, incluant le renouvellement du fauteuil roulant tous les cinq ans.
Un autre point de tension concernait les frais divers. l’ONIAM refusait de rembourser l’ensemble des frais supportés par Madame X Z pour l’assistance de son médecin-conseil. Ce refus a été jugé inacceptable par le tribunal, car il va à l’encontre du principe de réparation intégrale du préjudice, qui exige que toutes les dépenses nécessaires liées à l’accident soient prises en charge.
La décision du tribunal
Le tribunal a jugé que Madame X Z remplissait les critères d’indemnisation au titre de la solidarité nationale. Il a reconnu qu’elle avait subi un accident médical non fautif. Cet accident médical lui ouvre droit à une réparation intégrale.
Parmi les sommes, le tribunal a accordé plus de 12 000 € pour couvrir les dépenses de santé future, y compris le renouvellement du fauteuil, et le remboursement total des frais de médecins-conseils.
Mais surtout, le juge a alloué à Madame X Z, le tribunal a retenu près de 50 000 € de tierce personne temporaire, incluant celle nécessaire pendant les périodes d’hospitalisation.
Il a aussi retenu une tierce personne viagère, donc nécessaire pour cette dame jusqu’à la fin de sa vie, de près de 330 000 € auxquels s’ajoutent une tente trimestrielle de 16 000 €. Si ces sommes étaient capitalisées, ce poste atteindrait près de 900 000 € !
Il est à déplorer que le tribunal ait choisi d’accorder une rente pour compenser le préjudice lié à l’assistance par une tierce personne. La victime sollicitait en effet un capital à ce titre. Madame X Z est une femme âgée et elle aurait préféré bénéficier de l’intégralité de l’indemnisation dès maintenant. Cela lui aurait permis d’en jouir comme elle le souhaite. Notamment, elle aurait aimé pouvoir investir dans des technologies de pointe : pourquoi pas un verticalisateur par exemple, pour lui permettre de quitter un peu la station assise ? Pourquoi pas même un exosquelette pour envisager de remarcher un jour ? Ces machines ingénieuses sont particulièrement coûteuses et donc très difficiles d’accès pour les personnes handicapées.
La décision de recourir à une rente, bien que sécurisant un revenu régulier, prive la victime de la gestion libre et immédiate de ses fonds. Cette partie de la décision est particulièrement regrettable dans son cas.
Un enjeu d’indemnisation équitable
Ce jugement réaffirme le principe de la réparation intégrale des préjudices subis dans le cadre des aléas thérapeutiques. L’ONIAM, bien que non responsable d’une faute médicale, est tenu d’indemniser les victimes d’accidents médicaux non fautifs, via la solidarité nationale. Le refus initial de l’ONIAM de prendre en charge des éléments essentiels comme le renouvellement du fauteuil roulant, sa tentative d’imposer un référentiel d’indemnisation inadéquat, et son refus de couvrir les frais du médecin-conseil ont été rejetés par le tribunal.
Il est également appréciable que le tribunal ait reconnu un besoin en aide humaine pendant les périodes d’hospitalisation. Cette aide humaine est nécessaire pour les actions que la victime ne peut accomplir elle-même et que le personnel soignant ne prend pas en charge. Cela montre une volonté de tenir compte des besoins réels des victimes au-delà des soins médicaux.
Toutefois, la décision d’accorder une rente au lieu d’un capital reste un point discutable, notamment dans le cas de victimes âgées. Elles pourraient en effet préférer une indemnisation immédiate et complète.
Dans l’ensemble, cette décision a été jugée très satisfaisante par Madame X Z. Elle estime que son indemnisation est juste et équitable. En conséquence, elle a décidé de ne pas faire appel. Le tribunal a effectivement pris en compte l’ensemble de ses préjudices de manière appropriée. Grâce au travail de son avocat, Madame X Z a pu faire valoir ses droits de manière optimale et obtenir une réparation correspondant à ses attentes.
Les avocats du cabinet LAETHEM LAUCOIN BOUR Avocats sont tous compétents en matière de responsabilité médicale et vous apportent un accompagnement afin d’obtenir une juste indemnisation à la suite d’un accident médical fautif ou non fautif.