La Cour de cassation reconnait l’état de sidération comme caractérisant l’absence de consentement des victimes d’agressions sexuelles
La Cour de cassation a rendu le 11 septembre 2024 une décision concernant les agressions sexuelles et la notion de consentement. Cette jurisprudence, qui pourrait s’appliquer aux faits de viol, permet une reconnaissance de l’état de sidération dans lequel se trouvent bien souvent les victimes d’agressions sexuelles.
Dans cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la Cour d’appel de Rennes qui jugeait que constituait une agression sexuelle commise avec surprise des attouchements réalisés pendant le sommeil de la victime, puis après son réveil, alors qu’elle se trouvait en état de « sidération ».
Dans son pourvoi, l’accusé critiquait l’arrêt d’appel en ce que les juges n’avaient pas recherché s’il avait eu conscience de l’absence de consentement de la victime, élément nécessaire pour caractériser l’infraction d’agression sexuelle.
En effet, l’article 222-22 du Code pénal définit l’agression sexuelle comme toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Il estimait que n’était pas caractérisé ces notions de violence, contrainte, menace ou surprise.
L’état de sidération peut constituer la « surprise » nécessaire pour caractériser une agression sexuelle, telle que définie par l’article 222-22 du Code pénal.
La Cour rejette le pourvoi retenant que les juges du fond ont établi que le prévenu a agi par surprise en procédant à des attouchements sur la victime alors que celle-ci était endormie, puis en poursuivant ses gestes qui ont généré chez elle un état de sidération, qu’il a lui-même constaté, ce qui établit qu’il a agi en toute connaissance du défaut de consentement de cette dernière.
Elle relève notamment que la victime a déclaré avoir été « prise de sidération« , évoquant un « état de prostration« où elle n’a pu ni bouger ni crier, « comme si son corps ne lui appartenait plus », raison pour laquelle elle n’est pas parvenue à repousser son agresseur et manifester son absence de consentement.
La Cour note que l’auteur a lui-même reconnu que la victime était restée « comme une poupée de chiffon » lors des faits, démontrant parfaitement qu’il avait conscience de cet état de sidération.
La Cour retient que l’état de sidération de la victime correspond à la notion de surprise caractérisant l’infraction d’agression sexuelle. Cet état de sidération permet de retenir l’absence de consentement.
Les implications juridiques de la reconnaissance de l’état de sidération des victimes d’agressions sexuelles
La sidération est un état psychologique où la victime se trouve paralysée, incapable de réagir face à l’agression. La Cour a retenu la description de la victime qui évoquait un « état de prostration » où elle ne pouvait « ni bouger ni crier, comme si son corps ne lui appartenait plus ».
En établissant ce lien entre la sidération et l’absence de consentement, la Cour élargit l’interprétation de la « surprise » dans la définition du viol pour inclure des situations où la victime est psychologiquement incapable de manifester son refus.
Cette décision, qu’on pourra élargir aux faits de viol, représente une avancée importante dans la reconnaissance des infractions d’atteintes sexuelle et de viol.
En retenant la notion de sidération comme preuve de l’absence de consentement, la Cour reconnaît la réalité psychologique vécue par de nombreuses victimes de viol ou d’atteintes sexuelles qui se trouvent tétanisées et incapables de réagir. Très souvent, la victime se trouve paralysée par la peur et les représailles et cette décision pourrait faciliter la reconnaissance de leur statut de victime dans des affaires où l’absence de réaction, l’absence de résistance physique est souvent mal interprétée.
Il ne sera plus possible pour les agresseurs de se défendre en évoquant le fait que la victime n’a opposé aucune résistance, déduisant un consentement tacite de cette absence de résistance.
En conclusion, cette décision de la Cour de cassation reconnaissant la sidération des victimes d’agressions sexuelles est effectivement bienvenue car elle aligne davantage la jurisprudence sur la réalité vécue par de nombreuses victimes, renforçant ainsi leur protection juridique et contribuant à une meilleure compréhension sociétale des agressions sexuelles.
Cass. crim., 11 sept. 2024, n° 23-86.657, Publié au bulletin.
Le cabinet LAETHEM LAUCOIN BOUR Avocats défend les victimes d’agressions sexuelles ou de viol mais aussi les victimes de toutes infractions pénales ayant engendré un préjudice corporel.